Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/54

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cependant mon caprice. Et en effet. Messieurs, que peut-il être de plus avantageux pour nous de tout ce qui existe, surtout dans certains cas. En particulier. cet absurde peut être plus intéressant que tous les avantages, même dans le cas où cela nous nuit réellement et se trouve en contradiction avec les saines conclusions de notre raison, — parce qu’en tout cas il nous conserve ce qui nous est le plus cher et le plus important : notre personnalité et notre individualité. D’autres prétendent, par exemple, que c’est en effet ce qui est le plus précieux à l’homme ; le désir peut certainement, s’il le veut, s’accorder avec la raison. A condition de n’en pas abuser, d’en user avec modération : c’est très utile et même quelquefois louable. Mais très souvent, et même pour la plupart, le désir est complètement et obstinément en désaccord avec la raison et… et… et savez-vous, que cela aussi est utile et même très louable ? Messieurs, supposons que l’homme ne soit pas bête. (En effet, il ne faudrait pas le dire de lui, quand ce ne serait que pour cette seule raison que, s’il était bête, qui donc serait intelligent ?) Mais s’il n’est pas bête, il est monstrueusement ingrat ! Il est phénoménalement ingrat. Je crois même que la meilleure définition de l’homme est celle-ci : un être bipède et ingrat. Mais ce n’est pas tout. Ce n’est pas encore son plus grand défaut. Son plus grand défaut, c’est sa constante immoralité, constante à partir du déluge jusqu’à la