Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/72

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ai-je voulu écrire ? Si ce n’était pas pour le public, on pourrait mentalement se rappeler tout, sans rien coucher sur le papier ?

Oui, mais sur le papier c’est plus solennel. Il y a en cela quelque chose d’imposant ; on est plus sévère pour soi-même, on travaille son style. En outre peut-être parce que j’écris, éprouverai-je en effet quelque soulagement. Aujourd’hui, par exemple, un ancien souvenir me pèse particulièrement. Il m’est revenu très clairement ces jours-ci, et depuis, il est resté en moi comme un motif musical qui ne veut pas s’en aller. Et cependant il faut s’en débarrasser. Des souvenirs pareils, j’en ai des centaines. Mais, par moments, de ces centaines, un quelconque me pèse, et je crois, je ne sais pourquoi, que si je l’inscrivais, j’en serais débarrassé. Pourquoi donc ne pas essayer ?

Enfin, je m’embête ; je ne fais jamais rien. L’écriture c’est, en somme, un travail quelconque. On dit que par le travail l’homme devient bon et honnête. Eh bien ! voilà au moins une chance.

Aujourd’hui, la neige, une neige fondue, jaune, sale. Hier, il neigeait aussi. Ces jours derniers également. Il me semble que c’est à propos de la neige fondue que je me suis rappelé cette anecdote qui ne veut plus maintenant me quitter.

Eh bien ! que ce soit une nouvelle à propos de la neige fondue.