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Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/77

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par phases) et voilà que je me moque moi-même de mon intolérance et démon dégoût, que je me reproche mon romantisme. Tantôt je ne voulais parler à personne, tantôt j’arrivais non seulement à causer, mais encore à frayer amicalement avec eux. Tout le dégoût disparaissait soudain sans rime ni raison. Qui sait, il se peut que je n’en aie jamais eu et que j’aie simulé, à cause de mes lectures ? Je n’ai pas encore résolu cette question, jusqu’à présent. Il m’est arrivé une fois même de me lier avec eux, de les visiter, de jouer à la préférence, de boire de l’eau-de-vie, de parler d’avancement. Mais permettez-moi ici une digression.

Nous autres. Russes, nous n’avons jamais eu, en général, de ces stupides romantiques allemands et surtout français, qui rêvent aux étoiles, sur lesquels rien n’agit. Que la terre s’écroule sous leurs pas, ou que la France tout entière périsse aux barricades, ils sont toujours les mêmes, ils ne changent pas par pudeur, et ils chantent toujours les étoiles, pour ainsi dire, jusqu’au déclin de leur vie, parce qu’ils sont stupides. Quant à nous, sur la terre russe, il n’y a pas de sots. C’est un fait connu. C’est même par là que nous nous distinguons des pays étrangers. Par conséquent, les natures qui rêvent aux étoiles n’existent pas chez nous à l’état de pureté. Ce sont nos gens « positifs », les publicistes et les critiques d’autrefois, qui cherchaient les Costanjogles et les oncles Piotre Ivanitch