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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 1.djvu/161

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Dmitri et un peu ce qui s’est passé. Il t’a prié d’aller la voir pour lui dire qu’il… eh bien… en un mot, pour prendre congé.

— Frère, comment ce cauchemar finira-t-il pour Dmitri et notre père ? s’exclama Aliocha.

— Il est difficile de le deviner. Peut-être que cette affaire tombera à l’eau. Cette femme est un monstre. En tout cas, il faut que le vieux reste à la maison et que Dmitri n’y entre pas.

— Frère, permets-moi encore une question. Se peut-il que chacun ait le droit de juger ses semblables, de décider qui est digne de vivre et qui en est indigne ?

— Que vient faire ici l’appréciation des mérites ? Pour trancher cette question, le cœur humain ne se préoccupe guère des mérites, mais d’autres motifs bien plus naturels. Quant au droit, qui donc n’a pas le droit de souhaiter ?

— Pas la mort d’autrui.

— Et pourquoi pas la mort ? À quoi bon mentir à soi-même, alors que tous vivent ainsi et ne peuvent sans doute vivre autrement. Tu penses à ce que j’ai dit tout à l’heure, que « la destinée des reptiles est de se dévorer entre eux » ? Me crois-tu capable, comme Dmitri, de verser le sang d’Ésope, de le tuer, enfin ?

— Que dis-tu Ivan ? Jamais cette idée ne m’est venue ! Et je ne crois pas que Dmitri…

— Merci, dit Ivan en souriant. Sache que je le défendrai toujours. Mais dans ce cas particulier, je laisse le champ libre à mes désirs. À demain. Ne me juge pas, ne me tiens pas pour un scélérat », ajouta-t-il.

Ils se serrèrent les mains plus cordialement qu’ils n’avaient jamais fait. Aliocha comprit que son frère se rapprochait de lui avec une intention secrète.


X

Les deux ensemble

Aliocha sortit de chez son père plus abattu qu’à son arrivée. Ses idées étaient fragmentaires, confuses ; lui-même se rendait compte qu’il craignait de les rassembler, de tirer une conclusion générale des contradictions douloureuses dont