elle la regardait avec anxiété dans les yeux ; elle y voyait la même expression ingénue et confiante, la même gaieté sereine… « Elle est peut-être trop naïve ! » se dit Catherine Ivanovna dans une lueur d’espoir. Cependant Grouchegnka, charmée de cette « jolie petite main », la portait lentement à ses lèvres. Elle y touchait presque, lorsqu’elle la retint pour réfléchir.
« Savez-vous, mon ange, traîna-t-elle de sa voix la plus doucereuse, tout compte fait, je ne vous baiserai pas la main. — Et elle eut un petit rire gai.
— Comme vous voudrez… Qu’avez-vous ? tressaillit Catherine Ivanovna.
— Souvenez-vous de ceci : vous avez baisé ma main, mais moi je n’ai pas baisé la vôtre. »
Une lueur brilla dans ses yeux. Elle fixait obstinément Catherine Ivanovna.
« Insolente ! » proféra celle-ci, qui commençait à comprendre. Elle se leva vivement, en proie à la colère.
Sans se hâter, Grouchegnka en fit autant.
« Je vais raconter à Mitia que vous m’avez baisé la main, mais que je n’ai pas voulu baiser la vôtre. Cela le fera bien rire.
— Hors d’ici, coquine !
— Ah ! quelle honte ! Une demoiselle comme vous ne devrait pas employer de pareils mots.
— Hors d’ici, fille vendue ! hurla Catherine Ivanovna. Tout son visage convulsé tremblait.
— Vendue, soit. Vous-même, ma belle, vous alliez le soir chercher fortune chez des jeunes gens et trafiquer de vos charmes ; je sais tout. »
Catherine Ivanovna poussa un cri, voulut se jeter sur elle, mais Aliocha la retint de toutes ses forces.
« Ne bougez pas, ne lui répondez rien, elle partira d’elle-même. »
Les deux parents de Catherine Ivanovna et la femme de chambre accoururent à son cri. Elles se précipitèrent vers elle.
« Eh bien, je m’en vais, déclara Grouchegnka en prenant sa mantille sur le divan. Aliocha, mon chéri, accompagne-moi !
— Allez-vous-en plus vite, implora Aliocha les mains jointes.
— Aliocha chéri, accompagne-moi. En route je te dirai quelque chose qui te fera plaisir. C’est pour toi, Aliocha, que