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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 1.djvu/99

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s’écria Rakitine tout rouge. As-tu perdu l’esprit ? Tu as le cerveau dérangé.

— Comment ? Ce n’est pas ta parente ? Je l’ai entendu dire.

— Où cela ? Ah ! messieurs Karamazov, vous prenez des airs de haute et vieille noblesse, alors que ton père faisait le bouffon à la table d’autrui et figurait par grâce à la cuisine. Je ne suis qu’un fils de pope, un vil roturier, à côté de vous, soit, mais ne m’insultez pas avec un si joyeux sans-gêne ! J’ai aussi mon honneur, Alexéi Fiodorovitch. Je ne saurais être le parent d’une fille publique ! »

Ratikine était violemment surexcité.

« Excuse-moi, je t’en supplie… Je n’aurais jamais cru, d’ailleurs, qu’elle fût vraiment… une fille, repartit Aliocha devenu cramoisi. Je te le répète, on m’a dit que c’était ta parente. Tu vas souvent chez elle et tu m’as dit toi-même qu’il n’y avait rien entre vous… Je n’aurais jamais cru que tu la méprisais tant ! Le mérite-t-elle vraiment ?

— Si je la fréquente, c’est que j’ai mes raisons pour cela, mais en voilà assez. Quant à la parenté, c’est plutôt dans ta famille que ton frère ou même ton père la feraient entrer. Mais nous voici arrivés. Va vite à la cuisine… Eh ! qu’est-ce qu’il y a ? Qu’arrive-t-il ? Serions-nous en retard ? Mais ils ne peuvent pas avoir déjà fini ! À moins que les Karamazov n’aient encore fait des leurs ? Ce doit être cela. Voici ton père, et Ivan Fiodorovitch qui le suit. Ils se sont sauvés de chez le Père Abbé. Voilà le Père Isidore sur le perron qui crie quelque chose dans leur direction. Et ton père qui agite les bras en hurlant sans doute des injures. Voilà Mioussov qui part en calèche ; tu le vois filer. Maximov court comme un dératé. C’est un vrai scandale ; le dîner n’a pas eu lieu ! Auraient-ils battu le Père Abbé ? Les aurait-on rossés ? Ils l’auraient bien mérité !… »

Rakitine avait deviné juste : un scandale inouï s’était déroulé comme « par inspiration ».


VIII

Un scandale

Lorsque Mioussov et Ivan Fiodorovitch arrivèrent chez le Père Abbé, Piotr Alexandrovitch — qui était un galant homme — eut honte de sa récente colère. Il comprit qu’au lieu de s’emporter, il aurait dû estimer à sa juste valeur le pi-