Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/122

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— Ne nous expliquerez-vous pas de quelle nature est cette honte ? » demanda timidement Nicolas Parthénovitch.

Le procureur fronça les sourcils.

N-i-ni, c’est fini[1], n’insistez pas. Inutile de s’avilir. Je me suis déjà avili à votre contact. Vous ne méritez pas que je parle, ni vous ni personne. Assez, messieurs, je m’arrête. »

C’était catégorique. Nicolas Parthénovitch n’insista plus mais comprit, aux regards d’Hippolyte Kirillovitch, que celui-ci ne désespérait pas encore.

« Ne pouvez-vous pas dire, au moins, la somme que vous aviez en arrivant chez M. Perkhotine ?

— Non, je ne peux pas.

— Vous avez parlé à M. Perkhotine de trois mille roubles soi-disant prêtés par Mme Khokhlakov.

— C’est possible. En voilà assez, messieurs, je ne dirai pas la somme.

— Alors, veuillez nous dire comment vous êtes venus à Mokroïé, et tout ce que vous avez fait.

— Oh ! vous n’avez qu’à interroger les gens qui sont ici. D’ailleurs, je vais vous le raconter. »

Nous ne reproduirons pas son récit, fait rapidement et avec sécheresse. Il passa sous silence l’ivresse de son amour, tout en expliquant comment il avait renoncé à se suicider « par suite de faits nouveaux ». Il narrait sans donner les motifs, sans entrer dans les détails. Les magistrats lui posèrent d’ailleurs peu de questions ; cela ne les intéressait que médiocrement.

« Nous reviendrons là-dessus lors des dépositions des témoins qui auront lieu, bien entendu, en votre présence, déclara Nicolas Parthénovitch en terminant l’interrogatoire. Pour l’instant, veuillez déposer sur la table tout ce que vous avez sur vous, surtout votre argent.

— L’argent, messieurs ? À vos ordres, je comprends que c’est nécessaire. Je m’étonne que vous n’y ayez pas songé plus tôt. Le voici, mon argent, comptez, prenez, tout y est, je crois. »

Il vida ses poches, y compris la menue monnaie, tira deux pièces de dix kopeks de son gousset. On fit le compte, il y avait huit cent trente-six roubles et quarante kopeks.

« C’est tout ? demanda le juge.

— Tout.

  1. En français dans le texte.