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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/148

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ordonnait, afin d’empêcher le susnommé de se soustraire à l’enquête et au jugement, de l’incarcérer et de donner copie de la présente au substitut, etc. Bref, on déclara à Mitia qu’il était désormais en état d’arrestation, qu’on allait le ramener à la ville et lui assigner une résidence fort peu agréable. Mitia haussa les épaules.

« C’est bien, messieurs, je ne vous en veux pas, je suis prêt… Je comprends qu’il ne vous reste pas autre chose à faire. »

Nicolas Parthénovitch lui expliqua qu’il allait être emmené par Mavriki Mavrikiévitch, qui se trouvait sur les lieux.

« Attendez », interrompit Mitia, et sous une impulsion irrésistible il s’adressa à tous les assistants : « Messieurs, nous sommes tous cruels, tous des monstres, c’est à cause de nous que pleurent les mères et les petits enfants, mais parmi tous, je le proclame, c’est moi le pire ! Chaque jour, en me frappant la poitrine, je jurais de m’amender, et chaque jour je commettais les mêmes vilenies. Je comprends maintenant qu’à des êtres tels que moi il faut un coup de la destinée et son lasso, une force extérieure qui les maîtrise. Jamais je n’aurais pu me relever moi-même ! Mais la foudre a éclaté. J’accepte les tortures de l’accusation, la honte publique. Je veux souffrir et me racheter par la souffrance ! Peut-être y parviendrai-je, n’est-ce pas messieurs ? Entendez-le pourtant une dernière fois : je n’ai pas versé le sang de mon père ! J’accepte le châtiment, non pour l’avoir tué, mais pour avoir voulu le tuer, et peut-être même l’aurais-je fait ! Je suis résolu néanmoins à lutter contre vous, je vous le déclare. Je lutterai jusqu’au bout, et ensuite à la grâce de Dieu ! Adieu, messieurs, pardonnez-moi mes vivacités durant l’interrogatoire, j’étais encore insensé alors… Dans un instant je serai un prisonnier, et pour la dernière fois Dmitri Karamazov, comme un homme encore libre, vous tend la main. En vous faisant mes adieux, c’est au monde que je les fais !… »

Sa voix tremblait, il tendit en effet la main, mais Nicolas Parthénovitch, qui se trouvait le plus près de lui, cacha la sienne d’un geste convulsif. Mitia s’en aperçut, tressaillit. Il laissa retomber son bras.

« L’enquête n’est pas encore terminée, dit le juge un peu confus, elle va se poursuivre à la ville, et, de mon côté, je vous souhaite de parvenir… à vous justifier… Personnellement, Dmitri Fiodorovitch, je vous ai toujours considéré comme plus malheureux que coupable… Tous ici, si j’ose me faire leur interprète, nous sommes disposés à voir en vous