te retiendrai pas longtemps, je garde même mon pardessus. Où peut-on s’asseoir ? »
Il approcha une chaise de la table et prit place.
« Pourquoi ne parles-tu pas ? Je n’ai qu’une question à te poser, mais je te jure que je ne partirai pas sans réponse : Catherine Ivanovna est venue te voir ? »
Smerdiakov ne répondit que par un geste d’apathie et se détourna.
« Qu’as-tu ?
— Rien.
— Quoi, rien ?
— Eh bien, oui, elle est venue ; qu’est-ce que ça peut vous faire ? Laissez-moi tranquille.
— Non. Parle : quand est-elle venue ?
— Mais, j’en ai perdu le souvenir. »
Smerdiakov sourit avec dédain. Tout à coup il se tourna vers Ivan, le regard chargé de haine, comme un mois auparavant.
« Je crois que vous êtes aussi malade. Comme vous avez les joues creuses, l’air défait !
— Laisse ma santé et réponds à ma question.
— Pourquoi vos yeux sont-ils si jaunes ? Vous devez vous tourmenter. »
Il ricana.
« Écoute, je t’ai dit que je ne partirais pas sans réponse, s’écria Ivan exaspéré.
— Pourquoi cette insistance ? Pourquoi me torturez-vous ? dit Smerdiakov d’un ton douloureux.
— Eh, ce n’est pas toi qui m’intéresses. Réponds, et je m’en vais.
— Je n’ai rien à vous répondre.
— Je t’assure que je te forcerai à parler.
— Pourquoi vous inquiétez-vous ? demanda Smerdiakov en le fixant avec plus de dégoût que de mépris. Parce que c’est demain le jugement ? Mais vous ne risquez rien ; rassurez-vous donc une bonne fois ! Rentrez tranquillement chez vous, dormez en paix, vous n’avez rien à craindre.
— Je ne te comprends pas… pourquoi craindrais-je demain ? » dit Ivan surpris, et qui tout à coup se sentit glacé d’effroi.
Smerdiakov le toisa.
« Vous ne com-pre-nez pas ? fit-il d’un ton de reproche. Pourquoi diantre un homme d’esprit éprouve-t-il le besoin de jouer pareille comédie ! »
Ivan le regardait sans parler. Le ton inattendu, arrogant, dont