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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/111

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LÉS FRERES KARAMAZOV. 101

voyais souvent dans un coin de salon, pendant qu'on dan- sait, me suivre du regard; et quel feu dans ses yeux! Ce jeu m'amusait. Cinq mois après elle épousa un fonction- naire et partit, furieuse contre moi et peut-être m'aimant encore. Ils vivent heureux, maintenant. Remarque bien que je n'ai rien dit de tout cela à personne. Je n'ai pas abusé de sa confiance. J'ai de vils instincts, j'aime la hontet mais je ne suis pas malhonnête... Tu rougis, tes yeux jettent des éclairs. . . Assez de boue comme cela, n'est-ce pas? Pour- tant, ce ne sont là que fleurs et guirlandes à la Paul de Kock. J'ai, frère, tout un album de souvenirs. Que Dieu la garde, la pauvre! Je ne me suis jamais vanté des privilèges qu'elle m'a laissé prendre... Mais assez! Ne t'ai-je appelé que pour remuer devant toi ces sales souvenirs? Non. Je vais te conter quelque chose de plus curieux. Laisse-moi tout te dire et ne rougis pas, il me plaît ainsi.

— Ce n'est pas de tes paroles ni même de tes actions que je rougis. Je rougis, parce que je suis moi-même ce que tu es.

— Toi? tu exagères!

— Non, je n'exagère pas, dit Alioscha très-animé. Nous sommes engagés dans le même escalier : j'en suis au pre- mier degré, tu es plus loin, quelque part sur le treizième. Mais cela se vaut : une fois le pied sur le premier degré, il faut les parcourir tous.

— Il ne faut donc pas mettre le pied sur le premier degré.

— Certes, si c'est possible.

— Eh bien, le pourras-tu?

— Je ne crois pas.

6.

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