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années. Le visage était desséché, tout sillonné de petites rides, surtout autour des yeux, des yeux petits, vifs, étincelants comme deux tisons. Il n’avait de cheveux qu’autour des tempes, des cheveux gris et courts ; sa barbe, qu’il portait en pointe, était rare ; il souriait avec des lèvres minces comme deux ficelles. Son nez était de longueur moyenne, mais plus pointu qu’un bec d’oiseau.

« Tout présage en cet homme une âme fielleuse et vaniteuse », pensait Mioussov.

L’horloge sonna midi. Comme si elle n’eût attendu que ce signal, la conversation s’engagea aussitôt.

— Juste l’heure ! s’écria Fédor Pavlovitch, et mon fils Dmitri n’est pas encore là ! Je vous prie de l’excuser, saint vieillard.

Alioscha tressaillit à ce saint vieillard.

— Quant à moi, continua Fédor Pavlovitch, je suis toujours exact. Heure militaire ! L’exactitude est la politesse des rois.

— Mais vous prenez-vous pour un roi ? murmura Mioussov.

— En effet, je ne suis pas un roi, soyez certain que je le savais moi-même, Petre Alexandrovitch. Que voulez-vous ? Je parle toujours hors de propos… Votre sainteté, s’écria-t-il avec une vivacité soudaine, vous voyez devant vous un véritable bouffon. C’est comme tel que je me présente. Une habitude, hélas ! invétérée m’oblige à parler hors de propos, mais c’est avec l’intention de faire rire et d’être agréable. Il faut toujours être agréable, n’est-ce pas ?… Grand starets, à propos, j’allais oublier ! Il y a trois ans que j’ai résolu de venir ici me rensei-