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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/20

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spécialement la statistique de la Russie… Il a vécu longtemps en Russie… Je n’ai pas, quant à moi, vérifié la chose sur le Martyrologe… Je n’ai même pas l’intention de le lire… On bavarde à table… car c’était pendant un souper…

— Eh oui ! un souper qui m’a coûté la foi ! dit Fédor Pavlovitch.

— Que m’importe votre foi ! s’écria Mioussov.

Puis il se reprit et ajouta d’un ton méprisant :

— Vous souillez tout ce que vous touchez.

Le starets se leva vivement.

— Pardonnez-moi, messieurs, je vous laisse pour quelques instants, dit-il, mais il y a des gens qui m’attendent et qui sont venus avant vous.

Il sortit, Alioscha et le novice s’empressèrent de le soutenir pour l’aider à descendre dans l’escalier. Alioscha semblait ravi de cette occasion de quitter ses parents avant qu’ils eussent eu le temps d’offenser le starets.

Le starets se dirigeait vers la galerie pour bénir ceux qui l’attendaient, mais Fédor Pavlovitch le retint encore à la porte de la cellule.

— Saint homme, s’écria-t-il d’une voix émue, permettez-moi de baiser votre main. Oui, je vois qu’on peut vous parler librement, qu’on peut vivre dans votre ombre. Vous me prenez sans doute pour un sempiternel bouffon ? Sachez donc que j’ai joué cette comédie jusqu’ici pour vous éprouver. Je voulais savoir si mon abjection trouverait grâce devant votre sainteté. Eh bien ! je vous donne un diplôme d’honneur : on peut vivre avec vous. Et maintenant, je vais me taire ; jusqu’à la fin de notre entrevue,