Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/206

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— Que mon bienfaiteur meure. sans moi! Du moins, je n’aurai pas à me reprocher toute ma vie d’avoir négligé de sauver une âme quand je pouvais le faire ! D’ailleurs, n’est-ce pas encore lui obéir?

Pour surprendre son frère, sans lui laisser les moyens de se dérober, il se proposait d’escalader, comme la veille, la haie, de s’introduire dans le jardin et d’attendre dans le belvédère.

« Et s’il n’est pas là, sans rien dire au maître du jardin je resterai sur ce belvédère jusqu’à la nuit. S’il épie encore l’arrivée de Grouschegnka chez Fédor Pavlovitch, Dmitri ne peut manquer de venir dans le belvédère. »

Tout se passa comme il ra\ait prévu. Il s’introduisit dans le belvédère : personne! Il prit la place qu’il avait occupée la veille et attendit.

La journée était belle, le belvédère lui parut toutefois plus triste que la veille. La table verte portait encore la tache ronde du petit verre de cognac. Des pensées indif- férentes, comme macliinalos, obsédaient Alioscha : pour- quoi s’était-il assis précisément à sa place de la veille? pourquoi pas ailleurs?... et la tristesse l’envahissait.

Il attendait depuis un quart d’heure à peine, quand tout à coup des accords de guitare résonnèrent non loin de lui. Qui pouvait jouer de la guitare dans un jardin?... et la guitare accompagnait une voix d’homme, une voix aiguës aigrelette.

Par une force invincible
Je suis cloué auprès de ma bien-aimée.
Que Dieu ga-a-rde
Elle et moi !
Elle et moi !
Elle et moi !