Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/241

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Il s’arrête sur le parvis de la cathédrale de Séville. Des gens apportent un petit cercueil blanc où repose une en- fant de dix-sept ans, la fille d’un des notables de la ville; on se lamente; le corps, dans le cercueil ouvert, repose sur des fleurs.

— Il ressuscitera ton enfant ! crie le peuple à la mère en larmes.

L’ecclésiastique, venu pour recevoir le cercueil, regarde avec étonne meut et fronce le sourcil. Mais soudain la mère crie :

— Si c’est TOI, ressuscite mon enfant 1

Et elle se prosterne devant LUI. Le cortège s’arrête , on dépose le cercueil sur les dalles; IL le considère avec pitié, et comme jadis, une fois encore, il profère le talipha koumi (lève-toi, jeune fille) !

La morte se soulève, s’assied, sourit, ouvre les yeux, regarde alentour avec surprise. Elle a dans les mains le bouquet de roses blanches destiné à sa tombe. Le peuple, saisi de stupeur, s’écrie, pleure.

En cet instant, passe devant la cathédrale le cardinal grand inquisiteur en personne. C’est un vieillard de quatre-vingt-dix ans, haut de taille, droit, d’une ascé- tique maigreur. Les yeux sont profondément enfoncés dans l’orbite , mais ils luisent d’une flamme que la vieil- lesse n’a pas éteinte. Oh! il n’a plus le costume d’apparat qu’il portait hier, tandis qu’on brûlait les ennemis de l’ÉgHse ; — non . maintenant il a de nouveau endossé sa vieille soutane de moine. Ses sinistres collaborateurs et les estafiers du Saint-Office le suivent à distance respectueuse. Il s’arrête à l’aspect de la foule et observe de loin. Il a