Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/252

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enchantements des sorcières , — tout révolté , hérétique et athée qu’il puisse être. Et tu n’es pas descendu de la croix quand on te criait par dérision : « Descends de la croix et nous croirons en toi ! » Cette fois encore, tu n’as pas voulu asservir l’homme au miracle, parce que tu veux de lui une libre croyance, libre et non pas violentée par le prestige du merveilleux. C’est un amour libre qu’il te fallait, et non pas les transports serviles d’un esclave terrifié. Mais ici, comme partout, tu te faisais de l’homme une idée trop haute : il est esclave, quoiqu’il ait été créé rebelle! Vois et juge, après quinze siècles écoulés : Qui as-tu élevé jusqu’à toi? Je le jure, l’homme est plus faible et plus vil que tu ne pensais! Peut - il, peut-il accomplir ce que tu as accompli ? Tu as eu pour lui trop d’estime et trop peu de pitié, tu as trop exigé de lui, — toi pour- tant qui l’aimais plus que toi-même. Il fallait l’estimer moins et lui imposer de moindres devoirs. 11 est faible et lâche. Qu’importe qu’aujourd’hui il s’insurge partout contre notre autorité et s’enorgueillisse de sa révolte? C’est une vanité d’écolier. Va, les hommes sont des gamins : \\> s’insurgent contre leur régent et le mettent à la porte de la classe. Mais cette mutinerie aura un terme, elle coûtera cher aux mutins. Ils peuvent renverser les temple- et ensanglanter le sol : tôt ou tard, ils comprendront l’inutilité d’une révolte qu’ils ne sont pas capables de soutenir. Ils verseront de sottes larmes; mais, enfin, ils compren- dront qu’en les créant rebelles, on s’est moqué d’eux. Ils le crieront avec désespoir, et ce blasphème accroîtra leur misère, la nature humaine n’étant pas de taille à supporter le blasphème : elle finit toujours par le châtier