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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/255

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l’unité mondiale. Plusieurs peuples ont été grands et glorieux : plus ils ont été grands et glorieux , et plus ils ont souffert, sentant plus fortement que les autres peuples le besoin de l’union uniAerselle. Les grands conquérants , les Timour et les Gengis-Kan , qui ont parcouru la terre comme un ouragan dévastateur, exprimaient, eux aussi, sans en avoir conscience, cette tendance des peuples vers l’unité. En prenant la pourpre de César, tu aurais fondé l’empire universel et donné la paix à l’humanité. Car à qui appartient-il de régner sur les hommes , sinon à celui qui est maître de leurs consciences, et qui tient leur pain dans ses mains ? Nous avons donc pris le glaive de César, et, ce faisant, nous t’avons repoussé; nous sommes allés à Lui. Oh ! il y aura encore des siècles de libertinage intellectuel, de pédanterie et d’anthropophagie, — car ils finiront par l’anthropophagie, après avoir élevé leur tour de Babel sans nous. Mais alors la bète viendra à nous en rampant, et léchera nos pieds et les arrosera de larmes de sang. Et nous nous assiérons sur la bête, et nous élèverons en l’air une coupe où sera écrit le mot Mystère. Et alors, seulement alors, commencera pour les hommes le règne de la paix et du bonheur. Tu es fier de tes élus, mais tu n’as qu’une élite : nous donnerons le repos à tous. Et même en cette élite, même parmi ces Forts marqués pour être des élus, combien ont fini par se lasser d’attendre, combien ont porté et porteront encore ailleurs les forces de leur esprit et l’ardeur de leur cœur, combien finiront par user contre TOI de cette liberté que tu leur donnes ? Nous donnerons, nous, le bonheur à tous, nous abolirons les révoltes et les tueries engen-