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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/268

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par signe qu’il avait quelque chose de particulier à lui dire. Ivan Fédorovitch s’arrêta, le considéra, — et le fait de s’être arrêté , au lieu de passer comme il aurait voulu le faire, le bouleversa. Il jeta un regard irrité sur la figure du skopets.

L’œil gauche de Smerdiakov souriait , semblant lui dire : « Pourquoi t’arrètes-tu? C’est que tu sais bien que nous 3^’-":: nous autres, des intérêts communs! — Débarrasse le chemin, misérable! Qu’y a-t-il de commun entre nous? » pensait Ivan, tandis que, à son propre étonnement , il dit tout au contraire , et d’une voix douce, comme soumise :

— Est-ce que mon père dort déjà ?

Mais ce qu’il n’eût pu prévoir, c’est qu’il s’assit sur le banc. Il se rappela, par la suite, qu’il avait, à ce moment, tressailli d’effroi. Smerdiakov se tenait debout en face de lui, les mains au dos, et le regardant avec assurance , presque avec sévérité.

— Il dort, dit-il sans se presser. Je m’étonne de vous voir , monsieur , ajouta-t-il après un silence, en aHectant de baisser les yeux et en jouant avec le gravier du bout de l’un de ses pieds chaussés de bottines vernies.

— Qu’est-ce qui t’étoime? demanda sèchement Ivan Fédorovitch en s’efforçant de se contenir.

Il s’avouait avec dégoût qu’il était très-curieux de connaître la pensée de Smerdiakov et qu’il ne s’en irait pour rien au monde avant d’avoir satisfait sa curiosité.

— Pourquoi n’allez- vous pas à Tchermachnia ? dit Smerdiakov avec un sourire familier.

« Pourquoi je souris ? Tu dois le comprendre , si tu es un homme d’esprit >, disait son œil gauche.