— Pourquoi je ne vais pas à Tchermachnia ?
— Fédor Pavlovitch vous en a tant prié , reprit Smerdiakov après un nouveau silence.
— Que diable! parle plus clairement. Que veux-tu? s’écria Ivan Fédorovitch avec emportement.
Smerdiakov t changea de pied » , se redressa et continua à regarder Ivan avec son éternel sourire.
— Rien de particulier... C’était pour parler... Nouveau silence,
Ivan Fédorovitch se rendait très-bien compte qu’il aurait dû se lever, se fâcher... Mais le silence de Smerdiakov semblait précisément dire : « Voyons, vas-tu te fâcher? > Enfin, Ivan fit un mouvement pour se lever. Smerdiakov soupira et se hâta de reprendre, d’un ton ferme :
— Une terrible situation que la mienne , Ivan Fédorovitch. Je ne sais que faire.
Ivan Fédorovitch se rassit.
— Ils sont comme deux enfants. Je parle de votre père et de votre frère Dmitri Fédorovitch. Fédor Pavlovitch va se lever et me demander : « N’est - elle pas venue ? Pourquoi n’est-elle pas venue? » Et ainsi jusqu’à minuit passé. Et si Agrafeana Alexandrovna ne vient pas, — elle n’en a peut-être pas même l’intention, — il recommencera demain : « Pourquoi n’est-elle pas venue ? Quand viendra- t-elle ? » Comme si c’était de ma faute ! Et de l’autre côté, dès que la nuit tombe, votre frère arrive, armé : t Prends garde , misérable gâte-sauces ! Si tu la laisses passer sans m’avertir, c’est toi que je tuerai le premier ! » Et tous les jours de même. Parfois, je crains pour ma vie.