Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/28

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chée… Nikitouschka, tu m’attends, mon cher Nikitouschka, tu m’attends !…

Elle éclata de nouveau en sanglots.

Mais le starets s’était déjà détourné vers une petite vieille vêtue en citadine, contrairement à l’usage des pèlerins. Elle expliqua qu’elle était veuve d’un sous-officier et qu’elle arrivait de la ville. Elle avait un petit-fils, Vassignka[1], employé en Sibérie, dont elle était sans nouvelles depuis un an.

— Je voulais m’informer, savoir ce qu’il fait, mais je ne savais à qui m’adresser. Alors une de mes connaissances, une riche marchande, me dit : « Voyons, qu’elle me dit, Prokhorovna, fais-le inscrire à l’église, qu’elle me dit, pour qu’on prie pour le repos de son âme ; alors son âme, qu’elle me dit, sera offensée, et il t’écrira, c’est sûr. On en a déjà plusieurs fois fait l’expérience », qu’elle me dit. J’ai pourtant des doutes, moi… Vous, notre lumière, dites si c’est vrai ou non ; faut-il le faire ? dites !

— N’y pense même pas ! C’est une honte ! Est-il possible, une âme vivante ! Sa propre mère prierait pour le repos d’une âme vivante ! C’est un grand péché, quelque chose comme le crime de sorcellerie. Cela te sera pardonné à cause de ton ignorance, mais prie plutôt la Reine du ciel, notre protectrice assurée, prie-la de défendre ton fils, de veiller sur sa santé et de te pardonner à toi-même ta mauvaise pensée. Écoute encore, Prokhorovna : ou bien ton fils sera bientôt ici lui-même, ou il t’écrira, entends-moi bien et crois-moi. Va en paix. Ton fils est vivant, je te l’affirme.

  1. Diminutif de Vassili.