Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/27

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enfants et ne peut se consoler parce qu’ils ne sont plus. Pleure ! pleure ! mais en pleurant, rappelle-toi que ton fils est parmi les anges de Dieu, qu’il te regarde du haut du ciel, se réjouit de tes larmes et les montre au Seigneur. Ils ne tariront pas, ces longs pleurs, mais à la longue ta douleur deviendra douce et tes larmes ne seront plus qu’une rosée attendrissante qui te lavera de tes péchés. Je prierai pour le repos de l’âme de ton fils. Comment l’appelais-tu ?

— Alexey, mon petit père.

— Joli nom ! C’est donc pour Alexey, l’homme de Dieu, que je prierai.

— Oui, mon petit père, « l’homme de Dieu », Alexey, « l’homme de Dieu. »

— Quel grand saint ! Je prierai pour l’âme de ton enfant, mère, ce grand saint Alexey ; je prierai pour que tu sois moins triste, et je prierai aussi pour la santé de ton mari. Mais c’est un péché de l’abandonner. Retourne chez lui et soigne-le. Si ton fils apprend que tu délaisses ainsi son père, il en sera désolé : veux-tu troubler sa paix délicieuse ? Car il vit, entends-tu, il vit ! L’âme est imortelle, et si son apparence n’est plus visible pour toi, l’âme, l’âme elle-même continue pourtant à t’environner. Comment aurait-elle de la joie à vivre dans ta maison si tu la hais, si tu la quittes ? Chez qui pourrait aller ton fils s’il ne sait où trouver réunis son père et sa mère ? Tu le vois dans tes rêves, et, à cause de ta fuite, tes rêves sont des cauchemars ; mais si tu retournes chez ton mari, tes rêves deviendront très-doux. Retourne, femme, retourne chez toi aujourd’hui même.

— J’irai, Père, j’irai puisque tu le veux. Tu m’as tou-