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LES FRERES KARAMAZOV. 285

— Le starets Zossima est mort ? s'écria Grouschegnka. Et moi qui l'ignorais!

Elle fit le signe de la croix.

— Seigneur! et moi qui reste sur ses genoux! s'écria- t-elle avec une subite épouvante.

Elle se leva vivement et s'assit sur le divan. Alioscha la regarda avec surprise et reprit son air tran- quille.

— Rakitine, dit-il tout à coup d'une voix ferme, ne m'irrite pas en disant que je suis révolté contre Dieu! Je ne veux pas avoir de mauvais sentiments contre toi, sois donc meilleur, toi aussi. J'ai perdu tout ce que j'aimais aujourd'hui, tu ignores cela, tu ne peux me comprendre. Regarde-la, elle, vois comme elle est douce pour moi... En venant ici, je craignais d'y rencontrer une âme méchante, et c'est cette pensée qui m'a amené, car j'étais moi-même dans de mauvaises dispositions. Mais j'ai trouvé une véri- table sœur, une âme aimante, un trésor...

Les lèvres d' Alioscha tremblaient, il était oppressé. Il se tut.

— Ah! vraiment! s'écria Rakitine avec ironie, elle t'a sauvé, n'est-ce pas? Mais elle voulait te manger, ne le sais-tu pas?

— Assez, Rakitka, s'écria Grouschegnka, taisez-vous tous deux. Tais-toi, Alioscha, tes paroles me font honte. Tu te trompes sur moi : je suis une méchante créature. Mais tais-toi aussi, Rakitka, lu mentais... Je pensais le manger, en effet, mais c'est loin. Que je ne t'entende plus dire cela, Rakitka, dit Grouschegnka avec une émotion profonde.

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