Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

286 LES FRÈRES KARAMAZOV.

— Fous! murmura Rakitine en les regardant tous deux. Il me semble être dans une maison de santé ! Us vont pleu- rer tout à l'heure, bien sûr.

— Oui, je pleurerai! oui je pleurerai! dit Grouschegnka, il m'a appelée sa sœur, je ne l'oublierai jamais. Écoute, Alioscha, je veux te faire ma confession. Je désirais tant te voir que j'ai promis à Rakitka vingt-cinq roubles s'il parvenait à t'amener... Attends, Rakitka.

Elle courut à un petit bureau, y prit vingt-cinq roubles.

— Tiens, Rakitka, voici ce que je te dois. Tu ne le refuseras pas, tu l'as demandé toi-même.

Et elle lui jeta le billet.

— Certes non, je ne refuserai pas, dit Rakitka d'une voix rauque, déguisant habilement sa confusion sous des dehors de cynisme. Cela peut servir, c'est aux sots à nourrir les habiles.

— Tais-toi, je ne te parle plus. Tu ne nous aimes pas...

— Pourquoi vous aimera is-je?

— Pour rien, comme Alioscha... Grouschegnka se détourna de Rakitine.

— Oui, je voulais te manger, reprit-elle. J'avais peur de toi et je me disais : « Mangeons-le, puis rions de lui. » Voilà la vilaine bête que tu as traitée de soeur. Mais mon amant revient, j'attends de ses nouvelles. Il y a cinq ans, quand mon vieux marchand Kouzma m'a prise avec lui, je fuyais le monde. Je maigrissais de chagrin, pleurant toujours et me disant : « Où est-il maintenant, celui que j'aimais? Il rit de moi avec une autre ! Oh ! si je le retrouve, je saurai bien me venger! » Dans ce but, j'ai amassé de l'argent, mon cœur s'est desséché et mon corps s'est engraissé. Mais

�� �