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L’émotion l’empêcha de continuer.

— Comme je comprends, reprit-elle, que le peuple vous aime ! J’aime le peuple, moi aussi, et comment ne pas l’aimer, notre grand et bon peuple russe ?

— Comment va votre fille ? Vous avez désiré avoir encore un entretien avec moi ?

— Oh ! je serais volontiers restée trois jours à genoux devant votre porte pour obtenir de vous quelques instants. Nous sommes venues vous exprimer notre ardente gratitude. Vous avez guéri ma Liza[1]. Vous l’avez absolument guérie, et comment ? Seulement en priant pour elle et en lui imposant les mains. Nous sommes venues pour les baiser, ces mains vénérables, et pour vous dire toute notre admiration.

— Comment ? Je l’ai guérie ? Pourquoi donc est-elle encore étendue dans son fauteuil ?

— Du moins, les fièvres nocturnes ont disparu depuis deux jours, précisément depuis jeudi, se hâta de dire la dame ; ses jambes sont devenues plus valides. Ce matin, elle s’est éveillée toute rétablie, après une bonne nuit. Voyez ses joues roses et ses yeux brillants. Elle pleurait, elle rit, elle est gaie et joyeuse. Aujourd’hui, elle a voulu se lever, debout, sur ses pieds, et elle est restée toute une minute sans que personne la soutînt. Elle prétend que dans quinze jours elle dansera le quadrille. J’ai fait venir le médecin de la ville, Herzenschtube. Il a haussé les épaules et a déclaré n’y rien comprendre. Et vous voulez que nous vivions sans vous remercier ? Liza, remercie donc ! remercie !

Le visage souriant de Liza devint tout à coup sérieux ;

  1. Diminutif de Lizaveta.