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Le starets leva sa main pour le bénir. Malgré tout son désir, Alioscha ne put résister à cet ordre. Il aurait voulu lui demander, — et même la question brûlait ses lèvres, — ce que signifiait le salut jusqu’à terre devant Dmitri, mais il n’osa pas. Il savait que le starets lui aurait donné sans se les laisser demander toutes les explications qu’il aurait jugées nécessaires. Pourtant, ce salut inquiétait Alioscha, il y soupçonnait quelque sens mystérieux, — mystérieux et peut-être terrible.

En dépassant l’enceinte de l’ascétère et tout en se hâtant pour arriver à temps chez le Père supérieur, Alioscha sentit son cœur se serrer. Il s’arrêta. Il entendit de nouveau vibrer dans sa mémoire les paroles du starets relatives à sa fin prochaine. Une telle prédiction, si précise, devait se réaliser à coup sûr, Alioscha y croyait aveuglément. Mais que deviendrait-il alors ? Vivre sans le voir, sans l’entendre ? Et où aller ? Il me défend de pleurer ! Il m’ordonne de quitter le monastère ! Dieu ! ô mon Dieu !

Il y avait longtemps qu’Alioscha n’avait été aussi triste. Il hâta sa marche et parvint dans le petit bois qui séparait l’ascétère du monastère. Là, ne pouvant plus supporter ses pensées, il se mit à considérer les sapins centenaires qui bordaient le sentier dans le bois. La traversée n’était pas longue, cinq cents pas tout au plus. À cette heure, le chemin était ordinairement désert ; mais, à un détour, Alioscha rencontra le séminariste Rakitine. Ce dernier semblait attendre quelqu’un.

— Ce n’est pas moi que tu attends ? lui demanda Alioscha en le rejoignant.