Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/61

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étant à la fois des uns et des autres et en la faisant aux sots. Et le socialisme ne m’empêchera pas de mettre un petit magot de côté pour l’utiliser à l’occasion, sous la direction de quelque Juif, jusqu’au moment où je pourrai faire bâtir une grande maison à Pétersbourg pour y installer la rédaction.

— Ah ! Micha ! Mais cette prédiction pourrait bien se réaliser à la lettre ! s’écria Alioscha en éclatant de rire.

— Hi ! hi ! vous prenez goût au sarcasme, vous aussi, Alexey Fédorovitch !

— Non, excuse-moi, je plaisante. J’ai bien autre chose en tête… Écoute. Qui a pu te renseigner si bien ? Tu n’étais pas toi-même chez Katherina Ivanovna quand Ivan parlait de toi.

— Je n’y étais pas, mais Dmitri Fédorovitch y était, et c’est de lui que je tiens la chose. Non pas qu’il me l’ait dite lui-même à moi-même, mais je l’ai entendu, malgré moi, certes, étant caché dans la chambre à coucher de Grouschegnka.

— Ah ! oui, j’oubliais, vous êtes parents…

— Parents ? Moi, parent de Grouschegnka ! s’écria Rakitine en rougissant. Tu rêves ! tu es fou !

Comment ! vous n’êtes pas parents ? Je croyais…

— Qui a pu te dire cela ? Ohé ! les Karamazov ! vous vous faites passer pour les descendants de très-vieux nobles, et chacun sait que ton père n’est qu’un bouffon et un pique-assiette ! Je ne suis, moi, que le fils d’un pope, et je ne compte pas auprès de vous, messeigneurs… Pourtant ne m’offensez pas avec tant de désinvolture ! J’ai de l’honneur, moi aussi, Alexey Fédorovitch ! Non, je ne suis pas