Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/105

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— Maintenant échafaudez là-dessus un nouveau système, conclut-il en se détournant avec mépris.

— Alors votre défunt père, vous et le domestique Smerdiakov, connaissiez seuls ces signaux ? insista le juge.

— Oui, et le bon Dieu. Notez donc le bon Dieu, ça pourra vous servir.

— Donc, puisque vous affirmez que vous êtes innocent, ne serait-ce pas Smerdiakov qui aurait donné le signal pour que votre père ouvrît la fenêtre et qui… aurait fait le coup ?

Mitia jeta sur le procureur un regard ironique, si ironique et si outrageant que Hippolyte Kirillovitch battit involontairement des paupières.

— Vous tendez au renard un nouveau piège, vous lui avez pris la queue dans la porte, hi ! hi ! Je lis dans votre jeu, procureur, vous pensiez que je ne manquerais pas de me lever et de crier à pleins poumons : Eh ! oui, c’est Smerdiakov ! Avouez que vous l’avez pensé, avouez-le si vous voulez que je continue !

Le procureur n’avoua rien, il attendit en silence.

— Vous vous êtes trompé, je ne crierai pas que c’est Smerdiakov.

— Et vous ne le soupçonnez même pas ?

— Et vous, le soupçonnez-vous ?

— Nous le soupçonnions, lui aussi.

Mitia baissa les yeux.

— Parlons sérieusement. Écoutez. Dès le commencement, dès que je suis entré avec vous dans cette chambre, la pensée m’en est venue : c’est Smerdiakov. Je pensais à lui en vous répétant que j’étais innocent de ce crime.