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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/127

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— C’est incompréhensible.

— Vous m’étonnez… Du reste, je vais m’expliquer davantage ; peut-être, en effet, est-ce incompréhensible… Suivez-moi bien. Je m’approprie trois mille roubles confiés à mon honneur, je fais la noce avec, je dépense toute la somme, le matin je vais chez elle et je lui dis : « Katia, je suis coupable, j’ai dépensé les trois mille roubles. » Est-ce bien, cela ? Non, c’est malhonnête, c’est une faiblesse, une sottise poussée jusqu’à la bestialité, n’est-ce pas ? Mais ce n’est pas un vol, vous devez en convenir, ce n’est pas un vol proprement dit. J’ai gaspillé la somme, je ne l’ai pas volée. Mais voici mieux encore… Suivez-moi toujours ; j’ai peine à fixer mes idées, la tête me tourne… Je dépense quinze cents roubles seulement, c’est-à-dire la moitié du tout. Le lendemain, je vais chez elle, je lui rapporte l’autre moitié : « Katia, je suis un vaurien, prends ces quinze cents roubles, car j’ai dépensé les autres et je suis capable d’en faire autant de ceux-ci. Épargne-moi cette tentation. » Dans ce cas, je suis tout ce que vous voudrez, un animal, un scélérat : pas un voleur, pas un voleur ! Car un voleur se serait nécessairement approprié toute la somme.

— Soit, il y a en effet une nuance, approuva le procureur avec un froid sourire. Il n’en est pas moins étrange que cette nuance devienne à vos yeux une différence aussi considérable.

— En effet, j’y vois une différence énorme, fatale. Tout le monde peut être malhonnête, — et je crois qu’en effet tout le monde est malhonnête, — mais être un voleur, non !… Quoi qu’il en soit, le vol est le dernier degré de la malhonnêteté. Voyez : pendant tout un mois je garde

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