Aller au contenu

Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Fou ou non, je n’ai pas tout d’abord pensé… à cette jalousie de femme… Si elle existait comme vous l’affirmez…

— Mais c’eût été une telle bassesse, s’écria Mitia en frappant sur la table, que c’eût été à se boucher le nez ! Elle me l’aurait donné, cet argent, par vengeance, par mépris, car elle a aussi une âme infernale et de grandes colères ! Moi, j’aurais pris l’argent, oh ! certes, je l’aurais pris, et alors toute ma vie… Grand Dieu ! Pardonnez-moi, messieurs, de crier si fort, mais il n’y a pas longtemps que j’avais encore cette pensée… relative à cette combinaison… il y a trois jours… hier encore… jusqu’à cet événement…

— Jusqu’à quel événement ? demanda Nikolay Parfenovitch.

Mitia n’entendit pas.

— Je vous ai fait un aveu terrible ; sachez l’apprécier, messieurs, sachez-en le prix. Si vous n’êtes pas capables de me comprendre, je mourrai de honte d’avoir pu dévoiler de telles choses à de telles gens ! Oh ! je me tuerai… Et je vois déjà, je vois déjà que vous ne me croyez pas… Comment ! Vous voulez le noter ? s’écria-t-il avec effroi.

— Mais oui, dit Nikolay Parfenovitch étonné. Nous notons que, jusqu’à la dernière heure, vous pensiez à aller chez madame Verkhovtseva pour lui demander cette somme… Je vous assure que c’est là un point très-important, Dmitri Fédorovitch, pour nous et surtout pour vous.

— Mais voyons ! messieurs, ayez donc la pudeur de ne pas inscrire au moins cela ! J’ai déchiré devant vous mon âme en lambeaux, vous abusez de ma confiance !