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si tu n’en veux pas, nourris-toi de ta méchanceté !… » Et je suis partie là-dessus. Et oui, nous nous sommes encore querellés : chaque fois que nous nous voyons, nous nous querellons…

Grouschegnka parlait avec animation.

— À propos de quoi, aujourd’hui ?

— Imagine-toi qu’il est jaloux de mon « ancien » ! « Pourquoi lui donnes-tu de l’argent ? » me dit-il, « tu l’entretiens ! » Il est jaloux.

— C’est qu’il t’aime, et puis il a la fièvre.

— Je pense bien qu’il a la fièvre : c’est demain le jugement ! J’étais justement venue pour lui donner des forces, car il est terrible de penser à ce qui peut arriver demain. Mais tu dis qu’il a la fièvre ? Et moi donc ! Et il parle des Polonais ! Quel imbécile ! Et de Maximouschka, est-il jaloux ?

— Mon épouse était jalouse de moi, dit Maximov.

— De toi !… dit Grouschegnka en riant malgré elle, et à propos de quoi pouvait-elle être jalouse de toi ?

— Mais à cause des bonnes.

— Tais-toi donc, Maximouschka, ce n’est pas le moment de rire. Et ne regarde pas trop les gâteaux, ou bien je ne t’en donnerai pas, ça te ferait mal… Et dire qu’il me faut encore soigner celui-là ! On dirait que ma maison est un hôpital.

— Je ne vaux pas vos bienfaits, je suis de si mince mérite ! dit Maximov en pleurnichant. Vous feriez mieux de prodiguer vos bontés à ceux qui en ont plus besoin que moi.

— Oh ! Maximouschka, tous en ont besoin, et comment savoir qui en a le plus besoin ? Et sais-tu, Alioscha, le