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dame Khokhïakov avec l’expression suave d’une bienfaitrice. Je vous ai promis de vous sauver et je vous sauverai, comme j’ai sauvé Belmossov. Que pensez-vous des mines d’or, Dmitri Fédorovitch ?

— Des mines d’or ? Je n’y ai jamais pensé…

— C’est moi qui pense pour vous. Il y a tout un mois que je vous suis avec cette pensée. « Voilà, me disais-je, un homme énergique : sa place est marquée aux mines. » J’ai même étudié votre démarche et je me suis convaincue que vous trouverez des filons…

— Par ma démarche, madame ?

— Eh ! oui, par votre démarche ! Niez-vous qu’on puisse connaître le caractère à la démarche ? Les sciences naturelles l’affirment, pourtant. Oh ! je suis une réaliste, Dmitri Fédorovitch. Dès aujourd’hui, depuis cette histoire de monastère, je suis devenue tout à fait réaliste et je vais me jeter dans la vie active. Je suis guérie. « Assez de rêveries ! » comme dit Tourguenief.

— Mais, madame, ces trois mille roubles que vous venez de me promettre si généreusement…

— Ils ne vous fuiront pas : c’est comme si vous les aviez dans votre poche. Et non pas trois mille, trois millions, à bref délai. Voici mon idée. Vous trouverez des filons, vous aurez des millions, vous reviendrez, vous vous serez transformé en un homme d’action et vous nous guiderez tous vers le bien. Faut-il donc tout laisser aux Juifs ? Vous construirez des bâtiments, vous fonderez différentes entreprises, vous viendrez en aide aux pauvres et ils vous béniront. Nous sommes dans le siècle des voies ferrées ; vous deviendrez célèbre.