Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/163

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surtout à une femme aimée, et quels que puissent être tes torts. Car qui diable sait ce qu’il y a dans un cœur de femme. Mais je les connais un peu, les femmes… Essaye donc d’avouer les fautes, et tu verras quelle grêle de reproches ! Jamais un pardon simple, franc : elle t’abaissera, t’avilira, te reprochera même des torts que tu n’auras pas eus et te pardonnera seulement ensuite. Encore je ne parle ici que de très-bonnes femmes, tant il y a de férocité en ces anges sans lesquels nous ne pourrions vivre !… Franchement, tout homme convenable doit être sous la pantoufle d’une femme, c’est ma conviction, du moins mon sentiment. L’homme doit être généreux ; cela ne le diminue pas, même s’il est un héros, même s’il est un César ; mais demander pardon !… Rappelle-toi que c’est ton frère Mitia, perdu par les femmes, qui te donne cet enseignement. Je préfère me justifier auprès de Groushka sans lui demander pardon. Je la vénère, Alexey, mais elle ne le voit pas, ce n’est pas assez pour elle de tout mon amour. Elle me rend douloureux cet amour. Auparavant, je souffrais de ses changements, de ses détours ; mais maintenant j’ai pris toute son âme dans mon âme et je suis devenu un homme. Nous laissera-t-on ensemble ? Si on nous sépare, je mourrai de jalousie. Que t’a-t-elle dit de moi ?

Alioscha lui raconta sa conversation avec Grouschegnka.

— Alors elle n’est pas fâchée que je sois jaloux ? C’est bien d’une femme ! « J’ai moi-même le cœur jaloux ! » Oh ! j’aime cela ! Nous aurons des querelles, mais je l’aimerai toujours. Marie-t-on les forçats ? C’est une question. Ce qu’il y a de certain, c’est que je ne pourrai vivre sans elle… Alors