Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/177

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voir aller à Tcheremachnia et non pas à Moscou : c’était toujours plus près. Et ce que je vous en ai dit, ce n’était pas un compliment, c’était un reproche ; vous ne m’avez pas compris.

— Quel reproche ?

— Précisément, je vous reprochais de nous abandonner, votre père et moi, votre père à qui il pouvait arriver malheur, et moi qu’on pouvait accuser d’avoir volé les trois mille roubles.

— Que le diable t’emporte !… Attends, as-tu parlé des signaux aux juges ?

— Oui… tout.

Ivan Fédorovitch s’étonna de nouveau.

— Je pensais que Dmitri pouvait tuer, mais non pas voler… C’est toi qui aurais volé… Tu m’as dit que tu sais feindre les crises ; pourquoi m’as-tu dit cela ?

— Par naïveté. D’ailleurs je n’ai jamais essayé de simuler l’épilepsie ; j’ai dit cela par naïveté, par bêtise, et puis parce que j’étais en train de franchise avec vous. D’ailleurs, en vous expliquant toutes mes craintes à propos des signaux connus de Dmitri Fédorovitch, je pensais être assez clair, j’espérais que vous n’iriez pas à Tcheremachnia.

« Tout cela est très-logique, pensait Ivan, où sont donc les troubles cérébraux dont parle Herzenschtube ? »

— Tu ruses avec moi, prends garde…

— Non, je pensais que vous aviez tout deviné, continua Smerdiakov avec bonhomie.

— Mais si j’avais deviné, je serais resté !

— J’ai cru que vous partiez par prudence.