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l’accusé, en se frappant la poitrine avec le poing, avait semblé désigner quelque chose : peut-être se frappait-il au hasard.

— Mais il ne se frappait pas avec le poing, répondit Ahoscha. Il désignait avec son doigt, ici, très-haut. Comment ai-je pu l’oublier jusqu’ici !

Le président demanda à Mitia s’il voulait ajouter quelque chose à cette déposition. Mitia confirma le récit de son frère.

La déposition d’Alioscha était terminée. Elle avait cela de caractéristique qu’elle établissait un fait à la décharge de Mitia, un fait insignifiant en lui-même, il est vrai, mais qui prouvait l’existence des quinze cents roubles et par conséquent la véracité de Mitia. Alioscha était tout rouge de joie. « Comment ai-je pu l’oublier ? Comment ne me le suis-je rappelé que maintenant ? » disait-il en retournant à la place qui lui avait été désignée.

On passa à l’interrogatoire de Katherina Ivanovna.

À son entrée dans la salle, il se fit un mouvement. Les dames saisirent leurs jumelles, les hommes chuchotaient, quelques-uns se levèrent pour mieux voir. Mitia devint pâle « comme un mouchoir ». Toute vêtue de noir, elle s’approcha modestement, presque timidement, du tribunal. Son visage ne trahissait aucune émotion, mais le feu sombre de ses yeux révélait la résolution. Elle était merveilleusement belle. Elle parla d’une voix douce, mais distincte. Le président l’interrogeait avec discrétion, comme s’il eût craint de toucher « certaine corde ». Dès les premiers mots, elle déclara qu’elle avait été fiancée avec l’accusé jusqu’au moment où il l’avait abandonnée lui-même.