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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/248

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Quand on l’interrogea au sujet des trois mille roubles qu’elle avait confiés à Mitia pour qu’il les envoyât à Moscou, elle répondit avec fermeté :

— Mon intention réelle n’était pas qu’il fît immédiatement parvenir cette somme à ma famille. Je savais qu’il avait un très-pressant besoin d’argent… à ce moment… Je lui ai donné ces trois mille roubles pour qu’il les envoyât à Moscou quand il voudrait, dans le délai d’un mois. Il avait tort de s’affliger tant à propos de cette dette. J’étais sûre qu’il me rendrait l’argent aussitôt qu’il l’aurait reçu de son père, j’avais confiance en son honneur… son incontestable honneur… relativement aux questions d’argent. Il devait recevoir de son père trois mille roubles. Je savais qu’il était en mauvaises relations avec son père ; je savais que son père l’avait lésé dans ses intérêts. Je ne me rappelle pourtant pas qu’il ait jamais, devant moi, proféré des menaces contre son père. S’il était venu chez moi, je l’aurais aussitôt rassuré quant à ces malheureux trois mille roubles qui l’ont tant fait souffrir. Mais il n’est pas revenu… Et moi-même… j’étais dans une certaine situation… qui ne me permettait pas de l’inviter à venir. D’ailleurs, je n’avais nullement le droit de me montrer exigeante avec lui quant à cette dette, dit-elle tout à coup avec l’accent d’une résolution profonde. J’ai moi-même reçu de lui, un jour, une somme plus considérable que j’ai acceptée, bien qu’il ne me fût pas possible de prévoir alors un temps où je pourrais la lui rendre.

Il y avait quelque chose de provocant dans son accent.

— Non, reprit-elle, jamais je n’oublierai cet instant !

Et elle raconta tout, tout cet épisode, tel que Mitia l’avait