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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/257

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Katia et moi. Mais je te jure, Katia, qu’à travers ma haine je t’aimais : tu ne m’aimais pas !

Il retomba sur son banc en se tordant les mains.

Le procureur et le défenseur se mirent à la fois à demander à Katia pourquoi elle avait d’abord caché ce document et déposé dans un autre esprit.

— J’ai menti, tout à l’heure, contre mon honneur et ma conscience, mais je voulais le sauver, précisément parce qu’il me haïssait et me méprisait. Oh ! oui, il me méprisait. Il m’a toujours méprisée ! Il m’a méprisée dès l’instant où je l’ai salué jusqu’à terre pour le remercier de son argent. Je l’ai senti aussitôt, mais je fus longtemps sans pouvoir le croire. Que de fois j’ai lu dans ses yeux : « Tu n’en es pas moins venue toi-même chercher l’argent » ! Oh ! il n’avait pas compris pourquoi j’étais venue, il ne peut rien comprendre de noble, de pur ! Il juge tous les hommes selon lui-même ! Il ne voulait m’épouser que pour mon héritage, pour cela seulement, je m’en suis toujours doutée ! C’est un fauve ! Il savait que, toute ma vie, je tremblerais de honte devant lui, qu’il aurait toujours le dessus avec moi, voilà pourquoi il voulait m’épouser ! J’ai essayé de le vaincre par un amour infini. Je voulais même supporter sa trahison : il n’a rien compris, rien, rien ! Peut-il rien comprendre ? C’est un misérable !… Je n’ai reçu cette lettre que le lendemain soir… Le matin encore, j’étais résolue à lui pardonner tout, même sa trahison…

Le président et le procureur s’efforçaient de la calmer. Ils semblaient avoir honte eux-mêmes de profiter de son exaltation pour recevoir de tels aveux. Mais elle continua