Aller au contenu

Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VII

Après avoir décrit les divers états psychologiques qui avaient fatalement poussé au crime l’accusé, Hippolyte Kirillovitch montra comment la pensée du suicide était née dans l’esprit de Dmitri, après qu’il eut vu son crime rendu inutile par le retour du premier amant de Grouschegnka.

« Il court dégager ses pistolets chez le tchinovnik Perkotine, tire de sa poche l’argent dont il vient d’ensanglanter ses mains. Oh ! cet argent lui est plus nécessaire que jamais ! Karamazov va mourir, Karamazov se tue, on s’en souviendra ! Ce n’est pas pour rien que nous sommes poëte ! Ce n’est pas pour rien que nous avons brûlé notre vie comme une chandelle par les deux bouts. « Vers elle ! vers elle ! Et là-bas une fête ! une fête telle qu’on n’en a pas encore vue de semblable ! Oh ! on s’en souviendra longtemps ! Au milieu des cris sauvages, des folles chansons des tziganes, dans les danses, nous lèverons notre verre et nous boirons au nouveau bonheur de la bien-aimée ! Et là, là, devant elle, à ses pieds, nous nous fracasserons le crâne, nous expierons tout en un instant ! Elle se souviendra de Mitia Karamazov, elle saura qu’il l’a aimée, elle aura pitié de Mitia ! » Quel tableau romantique ! Voilà bien l’emportement sauvage, la sensualité tragique des Karamazov ! Mais il y a quelque chose de plus, messieurs les jurés, qui