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projet à partir du moment où sa détermination avait été irrévocable.

Hippolyte Kiriilovitch insista ensuite sur l’instrument du crime, ce pilon dont Dmitri ne s’était pas emparé pour rien. Puis il écarta tous les soupçons que l’accusé, ses frères et Grouschegnka avaient voulu faire peser sur Smerdiakov, contre qui on ne pouvait alléguer aucune preuve. Alioscha et Grouschegnka ne l’accusant que sur la parole de Dmitri, et d’Ivan en état de folie furieuse. La mort de Smerdiakov ne s’expliquait que trop facilement par sa folie constatée. Et longuement, en amassant toutes les preuves en un faisceau infrangible, le procureur démontra que le crime n’avait pu être commis par Smerdiakov, dont les naïvetés mêmes, l’aveu qu’il avait fait de son adresse à feindre l’épilepsie et de la connaissance qu’il avait des signaux convenus entre Grouschegnka et Fédor Pavlovitch, établissaient l’innocence. Il ne pouvait même pas être accusé de complicité.

« Mais, continua Hippolyte Kiriilovitch, supposons qu’il soit coupable : n’eût-il pas alors, en se tuant, racheté sa faute ? N’eût-il pas consigné cet aveu dans le billet par lequel il déclare se donner volontairement la mort ? Ivan Fédorovitch dit n’avoir reçu qu’hier les aveux de Smerdiakov, et en témoignage il apporte trois mille roubles. Vous comprenez assez, messieurs les jurés, que cette preuve ne supporte pas la critique : Ivan Fédorovitch a pris la somme dans sa bourse. Et pourquoi, comment ne serait-il pas venu les déposer entre nos mains hier même, hier, après avoir vu et entendu Smerdiakov ? Mais vous savez vous-mêmes dans quel état est Ivan Fédorovitch ! »