Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/276

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démontré la perquisition au domicile du défunt. Le seul fait évident à la charge de l’accusé était la découverte de l’enveloppe déchirée : mais nous ne savons pas si l’argent y était. Fédor Pavlovitch, dans l’anxiété de l’attente, n’avaitil pas pu déchirer lui-même l’enveloppe pour s’assurer que le compte y était toujours ? Dans ce cas, n’aurait-il pas pu jeter cette enveloppe n’importe où ? Il n’y a là rien d’impossible, le pour et le contre sont également plausibles. « Il ne faut pas imaginer des romans à plaisir, il s’agit de la vie et de la mort, des destinées d’un homme ! On parle de l’argent dépensé par l’accusé si prodiguement : pourquoi s’obstiner à croire que ce soit l’argent de son père ? Il n’y a rien de plus probable, étant donné le caractère de l’accusé, que l’affirmation qu’il vous a faite, à savoir qu’il avait depuis longtemps sur lui l’argent qu’il a dépensé. Le roman de l’accusation suppose un autre personnage, un homme de volonté faible qui accepte dans des circonstances humiliantes l’argent d’une femme et le dépense peu à peu. Les choses ont pu se passer autrement. Il y a des témoins qui affirment l’avoir vu dépenser deux fois trois mille roubles : quels sont ces témoins ? Vous venez de voir vous-mêmes quelle confiance vous pouvez leur accorder. Un gâteau dans la main d’un autre paraît toujours plus grand qu’il n’est. Aucun de ces témoins n’a compté les billets, il les ont tous jugés approximativement. Le témoin Maximov a bien vu dans les mains de l’accusé vingt mille roubles ! Quant à la déposition de madame Verkhovtseva, nous en avons eu deux versions. M. le procureur a respecté ce roman, j’imiterai sa délicatesse. Mais je me permettrai toutefois d’observer que si une personne