Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/305

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race se soient concentrées en vous pour concourir vers de nobles buts, tandis qu’en d’autres, ajouta-t-elle avec un soupir, elles se sont dévoyées. Certes, j’ai confiance en vous. Tenez, voyez-vous ces deux enveloppes ? Prenez celle-ci : il y a trente mille roubles. Celle-là contient les plans. Tout est préparé. Vous n’aurez qu’à suivre les indications. Savez-vous qui conduira le détachement ?

— Oui, c’est un certain Konstantin Semenovitch Bondarev.

— Quel homme est-il ?

— Ce que je sais de lui n’est pas très-rassurant. C’est une nature violente et bornée, et par cela même peut-être incorruptible.

— Mon Dieu ! que faire alors ?

— Les soldats importent plus ici que le chef.

— C’est vrai ! N’oubliez pas que le chef de la troisième étape nous est acquis.

— Je le sais… Avant de partir, je voudrais revoir Ivan.

— Venez, mais ne lui parlez pas. Et s’il ne vous voit pas, n’attirez pas son attention. Les docteurs m’ont expressément recommandé de varier le moins possible les visages autour de lui.

Alioscha entra derrière Katherina Ivanovna dans la chambre où Ivan était couché. Il sourit doucement à la jeune fille. Un éclair de lucidité brilla dans ses yeux, mais s’éteignit aussitôt, et une, vague expression de terreur se répandit sur ses traits. Katia le considéra quelque temps en silence, puis se retourna vers Alioscha. Deux larmes roulaient sur son visage.