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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/313

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enchanté. Prokhor Prokhorovitcli, cria-t-il à un sergent, ucle-moi nos trois loups, tu m’en réponds !

Il accompagna son ordre d’un geste significatif, et se retournant vers Alioscha :

— Marche, je te suis, fit-il d’un ton bourru. Alioscha le conduisit dans l’izba d’un moujik avec lequel il s’était entendu d’avance et qu’il avait prémuni de quelques bouteilles d’excellente vodka.

— Frère, dit-il au moujik en entrant chez lui, vite, verse-nous de ta bonne petite vodka, nous sommes pressés.

Le moujik se hâta de disposer sur la table trois verres qu’il remplit à la moitié.

— Imbécile ! grogna le sous-officier, et lui arrachant des mains la bouteille, il acheva d’emplir son verre, qu’il but d’un trait, pendant qu’Alioscha, d’un geste rapide, vidait le sien sous la table. Puis Alioscha lui-même prit la bouteille et remplit de nouveau les trois verres. Bondarev daigna sourire.

— Alors, capitaine, commença Alioscha, vous emmenez loin ces pauvres gens ?

— Comment, ces pauvres gens ? hurla Bondarev et frappant du poing la table. Trois assassins !

— Trois assassins ! répéta Alioscha avec admiration.

— Le dernier pris, surtout : les deux autres n’ont sur la conscience qu’un ou deux petits meurtres chacun ; mais le troisième, un nommé Makarazov, a tué ses deux frères et ses deux femmes.

— Et ses deux femmes ! répéta encore Alioscha.

— Dans d’atroces tourments ! D’ailleurs, il n’y a qu’à le voir, on devine tout de suite l’homme capable de tout ;