Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/314

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aussi je veille sur lui et je l’ai confié à Volodia et à Ossia, deux vieux troupiers qui en ont vu de toutes les couleurs et ne se laisseront pas facilement tromper.

Il but un coup de vodka et fit claquer sa langue.

— Et pourtant, reprit-il, je ne voudrais pas les voir en tête-à-tête avec cette bouteille-là. Deux ou trois verres et quelques roubles, hum !… Ah ça, où prenez-vous, dans ce pays perdu, d’aussi bonne vodka ? dit-il en jetant sur les deux moujiks un regard soupçonneux ; je flaire la contrebande.

— Seigneur ! s’écria le moujik épouvanté.

— Ah ! ah ! fit Alioscha en riant, il ne serait pas facile de vous tromper, capitaine !… Nous avons à la ville un parent qui est distillateur et qui nous fournit à bon marché de la meilleure vodka, voilà tout notre secret. Encore un verre, capitaine… Et alors, vous allez loin ?

— En Sibérie, parbleu !

— Seriez-vous pas bien aise d’emporter quelques bouteilles comme celle-ci pour achever le voyage ? Nous pourrions vous en céder à moitié prix, hein ! Sans compter que cette campagne vous vaudra sans doute un galon de plus.

— Hé ! hé ! hé ! tu n’es pas bête pour un moujik, un galon de plus, oui, oui, un galon de plus, ça se pourrait bien ! Mais, diable m’emporte, je donnerais tous les galons du monde pour un petit tonneau de ta vodka.

— Il ne tient qu’à vous, capitaine, nous sommes à vos ordres… D’ailleurs, vous êtes bien placé pour avoir tout : galons, vodka et le reste ; j’imagine que si quelque ami d’un de vos prisonniers vous offrait deux ou trois petits tonneaux de vodka pour le laisser échapper, vous prendriez