Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/34

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— Je n’ai pas le temps. Savez-vous ce que je ferai ? continua-t-il du même air confidentiel, en remettant sa redingote. Je vais relever la manchette comme cela, on ne verra rien.

— Maintenant, dites-moi comment cela vous est arrivé. Vous êtes-vous battu avec quelqu’un comme l’autre jour dans le traktir ? Avez-vous encore rossé le capitaine ? Qui avez-vous encore battu ou… tué ? hein ?

— Sottises ! dit Mitia.

— Comment, sottises ?

— Inutile… dit Mitia, et il sourit. C’est une vieille femme que j’ai écrasée tout à l’heure sur la place.

— Écrasée ? une vieille femme ?…

— Un vieillard ! dit Mitia en regardant Petre Iliitch droit dans les yeux. Un vieillard ! répéta-t-il en criant comme un sourd.

Et il éclata de rire.

— Que diable ! un vieillard, une vieille femme… vous avez tué quelqu’un ?

— Nous nous sommes réconciliés. Nous nous sommes battus, puis réconciliés. Un imbécile… nous nous sommes quittés bons amis… Il m’a pardonné… Certainement il m’a déjà pardonné… Mais s’il s’était relevé, il ne m’aurait pas pardonné, dit-il en clignant de l’œil. Seulement, savez-vous ? qu’il aille au diable ! Entendez-vous, Petre Iliitch ? Au diable !… Inutile !… Tout de suite, je ne veux pas… En finir tout de suite, je ne veux pas…

Il s’interrompit brusquement.

— C’est absurde ! Se colleter ainsi avec tout le monde… pour des futilités, comme avec ce capitaine ! Vous venez