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V

Il s’approcha précipitamment de la table.

— Messieurs, fit-il d’une voix très-haute et entrecoupée, c’est moi… c’est moi !… Ce n’est rien, ne craignez rien… Ce n’est rien, répéta-t-il en s’adressant à Grouschegnka qui se penchait vers Kalganov et lui serrait vivement les mains. Moi… je voyage aussi. Je ne resterai ici que jusqu’à demain. Messieurs, entre voyageurs, ne peut-on passer la nuit ensemble, jusqu’au matin, dans cette salle ?

Maintenant, il s’adressait à l’individu obèse. Celui-ci, d’un air important, retira sa pipe de ses lèvres et dit d’un ton sévère :

— Pane[1], nous sommes ici en petit comité… Il y a d’autres chambres.

— C’est vous, Dmitri Fédorovitch ! s’écria Kalganov, restez donc ! Comment allez-vous ?

— Bonjour, cher ami… je vous ai toujours estimé… dit joyeusement Mitia en se hâtant de lui tendre la main.

— Aïe ! comme vous serrez ! Vous avez failli me briser les doigts, dit Kalganov en riant.

— Il est toujours ainsi, il serre toujours comme cela ! dit Grouschegnka avec gaieté.

Sans être pleinement rassurée, elle devinait qu’il n’avait

  1. En polonais, barine en russe.