Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/52

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pas d’intentions violentes : elle démêlait en lui quelque chose d’étrange qui l’intriguait fort, et puis elle n’avait pas prévu qu’il pût entrer et parler ainsi en un tel moment.

— Bonjour, dit d’une voix mielleuse le pomiestchik Maximov.

Mitia se retourna vers lui.

— Ah, bonjour ! Vous êtes donc ici ? J’en suis bien aise. Messieurs, messieurs, je…

Et il s’adressa de nouveau au pane à la pipe, le considérant comme le personnage principal.

— Je voudrais passer cette dernière heure dans cette chambre même… où j’ai adoré… une reine. Pardonne-moi, pane ! je voyage… j’ai juré… Oh ! ne craignez rien, c’est la dernière nuit. Buvons, pane, à la paix ! On va nous servir du vin. J’ai apporté avec moi cela, dit-il en montrant sa liasse de billets. Je veux de la musique, du bruit, comme l’autre fois… Mais le ver inutile disparaîtra bientôt de la surface de la terre. Je veux passer ici ma dernière nuit de joie…

Il étouffait. Il aurait voulu dire beaucoup de choses, mais il ne pouvait proférer que des exclamations. Le pane était perplexe : il regardait tantôt Mitia, tantôt sa liasse de billets, tantôt Grouschegnka, et ne savait que dire.

— Si ma reine y consent… commença-t-il.

— Assieds-toi, Mitia, dit Grouschegnka. Mais que dis-tu donc ? Tu ne vas pas me faire peur, n’est-ce pas ?

— Moi, te faire peur ! s’écria Mitia en levant les bras au ciel. Oh ! passez, passez ! je ne me mettrai plus sur votre chemin !…

Tout à coup, chose inattendue pour tous et surtout pour