Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/61

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— Maintenant, à la Russie, panove, et soyons frères !

— Verse-moi aussi, dit Grouschegnka, je veux aussi boire à la Russie.

— Et moi aussi ! dit Kalganov.

— Moi je ne refuserai pas non plus de boire pour la vieille petite babouschegnka[1], insinua Maximov, hi ! hi !

— Tous ! tous ! cria Mitia. Patron, une bouteille ! Pour la Russie ! Hourra !

Tous, sauf les panove, burent. Grouschegnka vida son verre d’un trait.

— Eh bien ! panove, est-ce ainsi que vous êtes ?

Le pane Vroublevsky prit son verre, l’éleva et dit d’une voix forte :

— À la Russie dans ses limites d’avant 1772[2] !

— Soit ! approuva l’autre pane.

Tous deux vidèrent leurs verres.

— Vous êtes des imbéciles, panove, dit brusquement Mitia.

— Pa-a-ane ! s’exclamèrent-ils tous deux en se levant comme deux coqs contre Mitia.

— Est-il défendu d’aimer son pays ? dit le pane Vroublevsky.

— Silence ! pas de querelle ! cria impétueusement Grouschegnka en frappant du pied.

Mitia s’effraya.

— Panove, pardonnez ! C’est moi qui ai tort. Pane Vroublevsky, je ne le ferai plus.

— Mais tais-toi donc ! Assieds-toi ! Ô l’imbécile ! dit

  1. Diminutif affectueux de babouschka, grand’mère.
  2. Année de l’annexion de la Pologne.