Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/83

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« Seigneur ! on dirait les cris de Lizaveta Smerdiachtchaïa ! »

Elle descendit du perron et aperçut la petite porte du jardin ouverte. « Il est peut-être là… » Elle se dirigeait vers cette porte quand elle entendit Grigori l’appeler d’une voix faible et douloureuse :

— Marfa ! Marfa !…

« Seigneur ! protégez-nous ! » murmura Marfa, et elle s’élança dans la direction de Grigori.

Il n’était plus près du mur où il était tombé. Il avait fait une vingtaine de pas en se traînant. Elle vit aussitôt qu’il était tout en sang et se mit à crier. Grigori murmura faiblement et d’une voix entrecoupée :

— Tué… tué son père… Qu’as-tu à crier, sotte ? Cours, appelle !…

Marfa Ignatievna continuait à crier. Soudain, apercevant la fenêtre du barine ouverte et éclairée, elle y courut et se mit à appeler Fédor Pavlovitch. Mais ayant regardé dans la chambre, elle vit le barine étendu sur le dos, par terre, sans mouvement. Sa robe de chambre de couleur claire et sa chemise blanche étaient inondées de sang. La bougie qui brûlait sur la table éclairait le visage du mort. Marfa Ignatievna sortit en courant du jardin, ouvrit la porte cochère et alla frapper chez Maria Kondratievna. Les deux voisines, la mère et la fille, dormaient ; les coups de poing que Marfa Ignatievna frappait sur les volets éveillèrent les deux femmes. Marfa Ignatievna leur dit la chose en paroles incohérentes et les appela au secours. Elles firent lever le gardien, et tous se rendirent sur le lieu du crime. Chemin faisant, Maria