Aller au contenu

Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Un instant, messieurs ! Par Dieu, un petit instant ! je veux seulement la voir…

— Permettez ! c’est impossible maintenant ! s’exclama Nicolay Parfenovitch.

Les gens aux plaques de cuivre se rapprochèrent de Mitia, qui du reste s’assit sans résistance.

— Tant pis ! Je voulais seulement lui apprendre que le sang qui m’a tant tourmenté est lavé et que je ne suis pas un assassin. Messieurs, vous le savez, c’est ma fiancée ! dit-il solennellement en regardant tous les assistants. Oh ! merci ! vous m’avez ressuscité !… Ce vieillard ! mais il m’a porté dans ses bras ! Il me lavait dans une petite baignoire, quand j’avais trois ans, quand tout le monde m’avait abandonné. Il m’a servi de père !…

— Donc, vous… reprit le juge.

— Permettez, messieurs, encore un instant ! interrompit Mitia, et s’accoudant sur la table, il cacha son visage dans ses mains. Laissez-moi réfléchir ! Laissez-moi respirer, messieurs ! Tout cela est terrible… Vous frappez sur moi… Je ne suis pas un tambour, pourtant ! Je suis un homme, messieurs !

— Vous feriez bien de boire un peu d’eau…

Mitia releva la tête et sourit. Son regard était clair, sa physionomie calme, il regardait les juges sans crainte et comme s’il eût été dans une réunion d’amis.

— Je vois, Nikolay Parfenovitch, que vous êtes un juge d’instruction très-habile, dit-il avec gaieté. D’ailleurs, je vais vous aider. Oh ! messieurs, je suis ressuscité ! Ne vous offensez pas si je vous parle avec franchise, d’autant plus que je suis un peu ivre, je dois en convenir. Il me