Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/248

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— Ah ! alors ne pourrais-je pas tout de suite…

— Demandez à Alexis.

— Allons, ce sera pour demain. Avec vos affaires se trouvent là mon veston, mon frac, et les trois pantalons que Charmer m’a faits sur votre recommandation, vous vous rappelez ?

— À ce que j’ai entendu dire, vous posez ici pour le gentleman, observa en souriant Nicolas Vsévolodovitch. — Est-ce vrai que vous voulez apprendre à monter à cheval ?

Un sourire ou plutôt une grimace désagréable se montra sur les lèvres de Pierre Stépanovitch.

— Vous savez, répliqua-t-il d’une voix tremblante et saccadée, — vous savez, Nicolas Vsévolodovitch, nous laisserons de côté, une fois pour toutes, les personnalités, n’est-ce pas ? Libre à vous, sans doute, de me mépriser tant qu’il vous plaira si vous trouvez ma conduite si ridicule, mais pour le moment vous pourriez bien, n’est-ce pas, m’épargner vos moqueries ?

— Bien, je ne le ferai plus, dit Nicolas Vsévolodovitch.

Le visiteur sourit, frappa avec son chapeau sur son genou, et ses traits recouvrèrent leur sérénité.

— Ici plusieurs me considèrent même comme votre rival auprès d’Élisabeth Nikolaïevna, comment donc ne soignerais-je pas mon extérieur ? fit-il en riant. — Qui pourtant vous a ainsi parlé de moi ? Hum. Il est juste huit heures ; allons, en route : j’avais promis à Barbara Pétrovna de passer chez elle, mais je lui ferai faux bond. Vous, couchez-vous, et demain vous serez plus dispos. Il pleut et il fait sombre, du reste j’ai pris une voiture parce qu’ici les rues ne sont pas sûres la nuit… Ah ! à propos, dans la ville et aux environs rôde à présent un forçat évadé de Sibérie, un certain Fedka ; figurez-vous que cet homme est un de mes anciens serfs ; il y a quinze ans, papa l’a mis, moyennant finances, à la disposition du ministre de la guerre. C’est une personnalité très remarquable.

Nicolas Vsévolodovitch fixa soudain ses yeux sur Pierre Stépanovitch.