Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/338

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aperçut par hasard au club cinq jours après. Il est à remarquer que durant tout ce temps ils ne s’étaient rencontrés nulle part, quoique Pierre Stépanovitch fût venu presque chaque jour chez Barbara Pétrovna.

Nicolas Vsévolodovitch le regarda silencieusement et d’un air distrait, comme s’il n’eût pas compris de quoi il s’agissait, mais il ne s’arrêta point et passa dans la grande salle pour se rendre au buffet.

Pierre Stépanovitch s’élança à sa suite et, comme par distraction, lui saisit l’épaule :

— Vous êtes allé aussi chez Chatoff… vous voulez rendre public votre mariage avec Marie Timoféievna.

Nicolas Vsévolodovitch se dégagea par un mouvement brusque, et, le visage menaçant, se retourna soudain vers Pierre Stépanovitch. Celui-ci le considéra en souriant d’une façon étrange. Cette scène ne dura qu’un instant. Stavroguine s’éloigna.

II

En sortant de chez Barbara Pétrovna, Pierre Stépanovitch alla aussitôt voir le « vieux ». S’il se pressait tant, c’était uniquement parce qu’il avait hâte de se venger d’une injure que j’ignorais encore. Dans leur dernière entrevue qui remontait au jeudi précédent, le père et le fils s’étaient pris de querelle. Après avoir lui-même entamé la dispute, Stépan Trophimovitch la termina en s’armant d’un bâton pour mettre Pierre Stépanovitch à la porte. Il m’avait caché ce fait, mais au moment où Pétroucha entra avec son sourire présomptueux et son regard fureteur, Stépan Trophimovitch me fit signe de ne pas quitter la chambre. Je fus ainsi édifié sur leurs véritables relations, car j’assistai à tout l’entretien qu’ils eurent ensemble.