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Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/64

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enquérir de cela. Sans doute, vous devez vous-même demander sa main, la supplier de vous faire cet honneur, vous comprenez ? Mais soyez tranquille, je serai là. D’ailleurs, vous l’aimez…

Le vertige commençait à saisir Stépan Trophimovitch ; les murs tournaient autour de lui. Il ne pouvait s’arracher à l’obsession d’une idée terrible.

— Excellente amie, fit-il tout à coup d’une voix tremblante, — je… je ne me serais jamais imaginé que vous vous décideriez à me marier… à une autre… femme !

— Vous n’êtes pas une demoiselle, Stépan Trophimovitch ; on ne marie que les demoiselles, vous vous marierez vous-même, répliqua d’un ton sarcastique Barbara Pétrovna.

— Oui, j’ai pris un mot pour un autre. Mais… c’est égal, dit-il en la regardant d’un air égaré.

— Je vois que c’est égal, répondit-elle avec mépris. — Seigneur ! il s’évanouit ! Nastasia, Nastasia ! De l’eau !

Mais l’eau ne fut pas nécessaire. Il ne tarda pas à revenir à lui. Barbara Pétrovna prit son parapluie.

— Je vois qu’il n’y a pas moyen de causer avec vous maintenant…

— Oui, oui, je suis incapable…

— Mais vous réfléchirez d’ici à demain. Restez chez vous, s’il arrive quelque chose, faites-le moi savoir, fût-ce de nuit. Ne m’écrivez pas, je ne lirais pas vos lettres. Demain, à cette heure-ci, je viendrai moi-même, seule, chercher votre réponse définitive, et j’espère qu’elle sera satisfaisante. Faites en sorte qu’il n’y ait personne, et que votre logement soit propre. Cela, à quoi ça ressemble-t-il ? Nastasia ! Nastasia !

Naturellement, le lendemain il consentit. D’ailleurs, il ne pouvait pas faire autrement. Il y avait ici une circonstance particulière…